
Le terme de roman porno est une trouvaille marketing de la société de production Nikkatsu, tout près de la faillite à la fin des sixties, c'est sous cette appellation qu'elle désigne les nombreux films érotiques qu'elle va produire à partir de 1971. L'un des thèmes récurrents du genre est, bien évidemment, l'adultère. Un sujet dont Masaru Konuma va se faire, un temps, le spécialiste. Le futur réalisateur du classique LA VIE SECRETE DE MADAME YOSHINO (1976) est considéré, à l'image des trois Sergio du western italien (Corbucci, Sollima et Leone, bien sûr), comme l'un des quatre plus grands artisans de la Nikkatsu aux côtés de Kuroi Yuki, Koyu Ohara et Noboru Tanaka. Il signe, en 1973, son septième film qui met en vedette la star Junko Miyas

hita : HONG KONG REQUIEM.
Sumio est un employé de bureau heureux qui coule des jours paisibles sur son île. Mais un jour, c'est le drame : sa compagne disparait au bras d'un amant et s'enfuit pour Hong Kong. Sumio décide de se rendre au pays de la Shaw Brothers. Sa traversée de la mer nippone va l'amener à plonger en eaux troubles en compagnie d'un gangster pervers nommé Yabuki...
Comme le démontre ce résumé, il est difficile de se résoudre à considérer HONG KONG REQUIEM comme un roman porno. Ce film est plutôt un mélange bancal de mélodrame, de polar et d'érotisme. C'est aussi le premier roman porno tourné hors du Japon, d'où un nombre incalculable de plans touristiques durant lesquels Sumio recherche son ex-femme. Masaru Konuma a toutefo

is assez de talent pour contourner ce cahier des charges voué à l'exotisme. Le spectateur est rapidement embarqué, comme le « héros », dans un HK interlope peuplé de prostituées et autres toxicomanes. Ainsi, ce HONK KONG REQUIEM s'apparente beaucoup plus à un film noir qui voit ses protagonistes s'enfoncer dans la fange au fur et à mesure que l'histoire se développe. L'étrange relation qui se noue entre Sumio et le proxo Yabuki est fascinante, allant jusqu'à l'irréparable, à savoir, une scène de viol singulièrement dérangeante qui mêle Eros et Thanatos avec à-propos. Le hic, c'est que le metteur en scène, roman porno oblige, saupoudre le long-métrage de séquences érotiques déshumanisées qui s'intègrent mal au récit. Il réussit l'exploit de r

endre quelconque la sublime Junko Miyashita.
La belle est alors la star du genre. Cette stakhanoviste, qui débuta en 1971 avec le légendaire Koji Wakamatsu (LA FAMILLE DU SEXE) a tourné dans plus de cent films dont quelques classiques signés par le maître Noboru Tanaka (CONFIDENTIEL - LE MARCHE SEXUEL DES FILLES en 1974 et LA VERITABLE HISTOIRE D'ABE SADA en 1975). L'incontestable révélation de ce film est, paradoxalement, masculine ! Kazuhiko Yakata est le gangster Yabuki, il est tétanisant, évoluant au son d'une musique jazzy qui sied parfaitement à la nonchalance insolite avec laquelle il « sadise » Sumio. Cet acteur éphémère (cinq films entre 1972 et 1978 dixit IMDB) se doit d'être sorti de l'anonymat par tout amateur de cinéma de genre qui se respecte !
Toutefois, Masaru Konuma, qui n'a jamais caché son admiration pour Seijun Suzuki (LA BARRIERE DE LA CHAIR-1964), sauve ce film inégal de l'anonymat par un morceau de bravoure incroyable qui emprunte beaucoup au cinéma du grand maître du yakuza-eiga. Cette scène inénarrable nous dévoile un trip de Sumio, un délire psychédélique proche, visuellement, des rêves humides de Florinda Bolkan dans LE VENIN DE LA PEUR (Lucio Fulci-1971) et des cauchemars paranoïaques d'Edwige Fenech dans TOUTES LES COULEURS DU VICE (Sergio Martino-1972). HONG KONG REQUIEM, bien qu'hétéroclite, demeure donc une bonne petite pelloche d'exploitation plus proche du polar que de l'univers sensuel inhérent au reste de la filmographie de Masaru Konuma.
Jérôme Pottier 03/07/2010 |
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