
Cinéaste italien populaire, Lucio Fulci n'est pas seulement le Pape du gore intense et déviant mais un solide artisan qui s'est auparavant illustré dans des genres aussi divers que la comédie, le western et le film historique. Homme à tout faire du cinéma, il démarre en tant que réalisateur de seconde équipe avant de tourner son premier long-métrage (sur une bonne cinquantaine) en 1959. I MANIACI, son neuvième film (en six ans) s'inscrit dans la veine de la comédie populaire italienne comme il s'en tournait à tour de bras à cette époque, mais fait preu

ve d'une véritable intelligence dans le propos qui le place dans le haut du panier.
Composé d'une bonne douzaine de segments, I MANIACI que l'on pourrait traduire par « les manies », proposent de croquer les travers de la classe moyenne et des bourgeois italiens de l'époque. En confrontant un petit chef grande gueule à ses employés oisifs, un écrivaillon à un « grand auteur » snob, une femme pensant être trompée à son mari, des arrivistes en quête d'antiquités face à des moines plus malins qu'ils ne le semblent, bref, en jouant sur les fausses pistes,

les faux semblant et les oppositions, Fulci et ses scénaristes dépeignent une Italie universelle, celle des petites misères et des grandes bassesses du quotidien.
Suffisamment moderne à l'époque pour ne pas paraître trop démodé aujourd'hui, l'humour est la véritable force du film qui, sans être outrageusement féroce, écorne dans la bonne humeur les travers de ses personnages. A travers des situations rappelant fortement le boulevard, I MANIACI offre des scènes de la vie quotidienne revues et corrigées par une écriture de potache avec néanmoins un vra

i point de vue, à la fois tendre, humain et politique. Jamais cynique, toujours joyeux, il offre, au-delà des rires, un vrai point de vue sur l'Italie de l'époque, pays encore entre deux eaux, pas vraiment remis de la Guerre mais plus vraiment meurtri non plus. Cette étude de caractères de l'époque possède aujourd'hui une double valeur. C'est d'abord la redécouverte d'une œuvre de jeunesse de Fulci, dans laquelle le réalisateur démontre son incroyable maîtrise technique, son sens du rythme et de la direction de comédien et prouve à ses détracteurs qu'il n'est pas un ignoble pervers qui se délecte de visions insoutenables. Ensuite, et c'est là une donnée indéniable que ceux qui se fichent éperdument de Fulci ne pourront nier :I MANIACI a une valeur documentaire sur l'Italie des années 1960, sa composition sociale, ses idéaux, sa beauté et ses travers.
Ces éléments, combinés à l'œil acéré du metteur en scène et à une écriture ample et légère apportent à I MANIACI un intérêt à la fois cinématographique, ethnologique et un plaisir de spectateur plus de quarante-cinq ans après sa sortie.
Nassim Ben Allal 22/12/2009 |
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