ORIGINE France | ![]() |
ANNEE 1969 | |
REALISATION
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INTERPRETES
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Critique Le désirable et le sublime | |||||||
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![]() Pendant que discourent Pierre-Mendès France, Georges Pompidou, Gaston Deferre et le communiste Jacques Duclos, le couple et leur invité invoquent les mânes de Kennedy, Khrouchtchev, Brejnev ... et l'inénarrable Poujade. En 1969, Benazeraf en a assez de rester cantonné aux salles mal famées de Pigalle, les seules à le programmer sur Paris. Dans une époque propice aux remises en question, il laisse donc éclater sa révolte face à la campagne électorale et tourne dans l'urgence LE DÉSIRABLE ET LE SUBLIME, qui s'éloigne nettement du cinéma érotique dans son propos, tout en en gardant quelques très belles séquences formelles. Le château sur l'île déserte, habité plus par les rais de lumière de la télévision que par ses occupants renvoie assez nettement au mythe platonicien de la grotte. Les ombres projetées par les déambulations de personnages perdus dans cette immensité viennent ![]() Sous des aspects rudes, Benazeraf est un homme cultivé. D'où ses régulières colères à l'égard de la médiocrité ambiante. Au fil de sa carrière, il aura su régulièrement se fâcher avec la profession. Ici, sa culture nourrit l'œuvre qui transpire donc de citations de Trotski, Hegel, Shakespeare, Camus, Goethe, Marx, Baudelaire et bien d'autres. Il en profite pour cracher son mépris du cinéma français de son époque, qu'il voit comme sclérosé et soumis au double joug d'une censure précédée de surcroît d'une pré-censure. Et la « dame aux ciseaux » s'est en effet souvent acharnée sur l'œuvre Benazérafienne, et ce depuis ses débuts en 1963. A tel point que lorsque le climat révolté de 1968 semble ouvrir une fenêtre, Benazeraf se hâtera de monter une ![]() Mais juste après BACCHANALES 69, uniquement destiné selon son auteur à renflouer ses caisses, succède donc LE DÉSIRABLE ET LE SUBLIME qui est sans doute le film le plus politique et un des plus abouti de son auteur. Il est aussi celui auquel, à ce jour, Benazeraf accorde le plus de tendresse. A l'occasion de l'une ou l'autre ligne de dialogue, José règle aussi son compte à la critique de l'époque « représentée par deux sexagénaires qui règnent sur les plus grands journaux ». La critique s'est en effet souvent montrée dédaigneuse de l'œuvre de Benazeraf, laquelle s'est retrouvée affublée du sceau de l'infamie stigmatisant le cinéma d'exploitation. Une critique souvent aveugle aux qualités propres des films m ![]() LE DÉSIRABLE ET LE SUBLIME est un gigantesque commentaire sur la France de 1969, sous forme donc de dialogues entre les protagonistes d'un diner. Et pourtant, on évite le pensum douloureux. Benazeraf a l'intelligence de larder les discussions de séquences oniriques, fantasmes de l'un ou l'autre pendant les échanges de points de vue. L'ambiance un peu figée du château cède alors tout à coup la place aux filtres verts, décors rouges, musiques d'aria, strip-tease, travail ciselé sur le son (échos, boucles, mixages étranges...). Le montage précède le style qui sera pleinement développé par Bertrand Blier, lorsque le dialogue permet de relier des séquences spatialement distinctes, conférant à l'ensemble un cachet de bizarrerie qui en fait son charme. On est parfois proche de BUFFET FROID. On l'a dit, Benazeraf tente à cette époque de sortir du ghetto des salles peu reluisantes de boulevard, du circuit contrôlé par Boublil (le Midi Minuit). Les grands circuits, tel Gaumont, lui sont cependant fermés, suite à une déclaration tonitruante faite peu auparavant dans la presse et selon laquelle ces derniers cadenassent la distribution et font baisser le niveau qualitatif de la production française. Aussi est-ce dans un théâtre, le Renaissance, que LE DÉSIRABLE ET LE SUBLIME connaitra sa première exploitation en avril 1970. Il sera ensuite repris dans trois autres salles et rencontrera un certain succès public... dont Benazeraf ne percevra cependant pas les dividendes, l'exploitante rechignant à le payer. Pour l'anecdote, le film fait écho aux revendications sociales de l'époque, l'abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans, tandis qu'en automne 2010, alors que nous rédigeons cette chronique, la France entière est paralysée par les mouvements de grève contestant le projet de réforme des retraites détricotant les acquis sociaux de la génération précédente. Drôle d'époque. C'est dans ces moments qu'on perçoit mieux en quoi le cinéma du passé peut encore nous parler, lorsqu'il fait émerger un contexte différent, un mouvement social dont la direction a depuis lors bien changé.
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