ORIGINE France | ![]() |
ANNEE 2018 | |
REALISATION
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INTERPRETES
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Critique Un couteau dans le cœur | |||||||
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![]() Le dernier long-métrage de Yann Gonzalez se parcourt comme une cartographie cinéphilique. Comme le démontrent ses nombreuses interviews, il a construit son propre univers avec des références hétéroclites issus en partie d'un cinéma français populaire des années 60 et 70 oublié des mémoires et des propositions actuelles. Avec sa culture, il a su créer un univers personnel très queer, non naturaliste où l'amour est sentimental et charnel. Il n'est donc pas étonnant qu'UN COUTEAU DANS LE CŒUR se passe dans le milieu du X gay français des années 70, le cinéma s'inscrivant cette fois-ci directement dans l'histoire. Le personnage d'Anne Parèze (Vanessa Paradis) est inspiré d'Anne-Marie Tensi, productrice de films X de cette période, et qui a eu une relation avec sa monteuse Loïs Koenigswerther, qui devient ici Loïs (Kate Moran). Des titres de ses producti ![]() Le récit criminel et l'histoire d'amour dialoguent en permanence. Cela débute la nuit avec Karl (Bastien Waultier) dans un extrait que Loïs visionne en salle de montage, alors qu'il est physiquement en pleine drague, attiré par un homme vêtu et masqué de cuir. Ce dernier le tue de façon très giallo : la mort se mêle à la sexualité dans une lumière rouge où l'arme blanche fait office de symbole phallique, le masque de cuir rappelle autant le porno gay que les nombreux tueurs des films italiens. Au plan suivant, Anne court apeurée dans la rue, comme si elle était poursuivie par le tueur. C'est le manque de Loïs qui la force à se précipiter dans une cabine téléphonique pour la joindre en plein travail. Anne recherche l'amour pendant que le tueur cherche ses victimes : le parallèle commence là. Les deux personnages évoluent simultanément. Les deux intrigues vont encore plus s'entrelacer quand Anne enquête sur l'identit ![]() Sans jamais s'en moquer, les productions pornographiques sont montrées avec beaucoup d'humour. Avec très peu de budget, un commissariat est réduit à une table, une machine à écrire et un simple uniforme. Le contraste entre le drame de la situation et la légèreté de la mise en scène c ![]() Avant l'arrivée du Sida, pendant l'âge d'or du X, traîner gaiement dans les bars, danser joyeusement en boîte, tourner "à l'aise entre copains" comme il est dit pour diriger les hardeurs, reflètent la sensibilité des milieux gays de cette époque. L'homophobie est simplement insinuée ou évoquée, sans jamais peser sur l'humeur ambiante. Yann Gonzalez réussit aussi à capter très simplement la fragilité de personnages peu présents, comme celui en manque d'affection interprété par Romane Bohringer. Ce tendre portrait nous touche jusqu'à nous faire oublier le reste du film l'espace d'un instant. Le casting rassemble des acteurs habitués de Yann Gonzalez comme Nicolas Maury encore plus fabuleux que d'habitude avec sa coupe blonde d'un autre temps, des personnes emblématiques d'une certaine cinéphilie dont Jacques Nolot et Ingrid Bourgoin, de jeunes acteurs eux aussi connus pour des films fort singuliers - on retrouve avec joie Jonathan Genet très remarqué dans l'inégal mais inoubliable COSMOS, ultime réalisation d'Andrzej Żuławski -, et des amateurs aux parfaits physiques d'éphèbes et de belles gueules queer magnifiées, Bastien Waultier et Simon Thiébaut en tête. Mentions spéciales à Bertrand Mandico, frère de cinéma de Yann Gonzalez, dans son premier travail d'acteur, et la courte apparition de Christophe Bier dont personne ne s'étonnera de le voir ici en cinéphile passionné de porno, bien évidemment. Si le sujet, le choix des acteurs, les références cinématographiques font croire que le projet serait obscur et s'adresserait uniquement à un public restreint, confier le rôle principal à une star, Vanessa Paradis, est une idée lumineuse. Son aura et son image glamour s'intègrent parfaitement à l'univers de Yann Gonzalez. UN COUTEAU DANS LE CŒUR est un film très généreux à l'univers foisonnant où l'on pénètre avec délice. Pour prolonger l'expérience, le documentaire passionnant sur ce cinéma porno gay français des 70's MONDO HOMO d'Hervé Joseph Lebrun, conseiller historique d'UN COUTEAU DANS LE CŒUR, est à conseiller : nombreux acteurs, réalisateurs et techniciens sont interviewés.
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